Category: Livres,Romans et littérature,Littérature italienne
Deux parfaits inconnus Details
Odetta, Romaine d'âge mûr qui, ancienne libraire, loue une partie de son appartement du quartier San Lorenzo à des étudiants, se livre, dans cette première fiction de Michele Tortorici, à deux longues conversations : d'abord avec un électricien venu réparer une panne à son domicile entre midi et deux puis avec un nouveau locataire, arrivant ce même après-midi d'un dimanche d'hiver. Dialogues ? Pas vraiment car elle est seule à parler : une logorrhée où elle passe du coq à l'âne et dont elle renoue les fils avec une parfaite maestria. Monologues ? Pas vraiment non plus : ses phrases laissent constamment deviner les réponses de ses interlocuteurs ainsi que leurs gestes ou mimiques. Sûre d'elle, ne redoutant ni sujet grivois ni confession intime, l'intarissable logeuse est dotée d'une vaste culture embrassant les moindres répliques de Totò, le football, la linguistique, l'oeuvre de Dante - qu'elle peut citer de tête et commenter -, la philosophie, l'économie, bien sûr la politique, etc. Un savoureux pêle-mêle de cocasseries, réflexions fines, jugements à l'emporte-pièce et, surprenantes pour les deux " parfaits inconnus " qu'elle a en face d'elle à tour de rôle, confidences sur sa vie privée - celles-ci livrant à la fin un étonnant secret. Texte d'un allant continuel, tout d'humour et d'écoute et qui parfois n'est pas sans rappeler Au but, l'une des grandes pièces de Thomas Bernhard, Deux parfaits inconnus met en scène, littéralement, ce personnage remarquablement vivant et complexe qu'est Odetta et, par sa virtuosité narrative, sait faire du lecteur un autre interlocuteur - le troisième, comme caché mais non le moindre. Professeur de lettres classiques puis proviseur, Michèle Tortorici a par la suite mené une carrière dans l'administration pédagogique. Directeur et coauteur d'une importante histoire de la littérature italienne (Oberon, 19931, il est l'auteur de quatre recueils de poèmes : La mente irretita (Manni, 2008), I segnalibri di Berlino (Campanotto, 2009), versi inutili e altre inutilità (Edicit, 2010) et Viaggio all'osteria délia terra (Manni, 2012). Le premier d'entre eux a très vite été publié en France par les éditions vagabonde {La Pensée prise au piège, traduit et préfacé par Danièle Robert, 2010).
Reviews
Les lecteurs français de "La Pensée prise au piège" (vagabonde, 2010, également traduit par Danièle Robert) n'attendaient sans doute pas un tel livre de la part du maître ès prosodie qu'est Michele Tortorici. Voici une première fiction, très théâtrale, qui va de bonheurs de la réplique en traits d'esprit, brasse cultures classique et populaire (grande culture classique et très grande culture populaire) avec enthousiasmante légèreté dans une "parlerie" qui est un élan de vie, d'affirmation, de résistance au monde des passions tristes. Odetta, la logeuse, la lectrice - et quelle ! - qui tient la scène et le crachoir, est comme une Jacqueline Maillan romaine, sens politique et malice littéraire en plus. Elle nous emporte dans ses emballements verbaux, ses coq-à-l'âne, sa sagacité pleine d'humour et d'attention. La traduction fait parfaitement entendre que le texte de Tortorici est un constant bonheur de langue. "Deux parfaits inconnus" procure, sans temps mort, une émotion heureuse, rieuse, contaminante. Voici, dans nos "sombres temps", une lecture... thérapeutique !
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